Frédéric HUNEAU
Professeur d'hydrogéologie à l'Université de Corse
Dans certaines nappes profondes de Gironde, les eaux sont âgées de plusieurs dizaines de milliers d’année. Faut-il en conclure que ces nappes ne se renouvellent pas ?
Pas du tout, c’est simplement que la temporalité du renouvellement dépend du type de nappe. Les nappes les plus superficielles sont alimentées régulièrement par l’infiltration d’eau de pluie ou en provenance des cours d’eau par exemple. Par conséquent, elles se renouvellent rapidement, en quelques semaines, mois ou années. A l’inverse, les nappes profondes de Gironde n’ont que très peu de lien avec la surface, tout au moins pour les plus profondes. De plus, ces nappes peuvent stocker plusieurs centaines de milliards de m3 alors que le volume renouvelé chaque année est estimé à une centaine de millions de m3. Le renouvellement complet de leurs eaux nécessite donc plusieurs milliers d’années. Qui plus est, ce renouvellement se fait pour partie depuis d’autres nappes profondes où les eaux sont aussi très âgées.
Mais au fait, qu’est-ce que l’âge d’une eau souterraine ?
Une nappe d’eau souterraine est composée d’une multitude de gouttes d’eau. Ces gouttes d’eau peuvent avoir rejoint l’aquifère très récemment, et donc être plutôt « jeunes », ou y être stockées depuis plusieurs dizaines, centaines voire milliers d’années. L’âge de l’eau correspond à l’âge moyen de l’ensemble de ces gouttes d’eau. On parle également de temps de résidence ou de temps de séjour « moyen » ou « apparent ». L’âge de l’eau est un outil essentiel pour la gestion des ressources en eau souterraine. Il permet par exemple d’estimer le renouvellement de la nappe ou sa vulnérabilité aux pollutions.
Très majoritairement destinées à l’alimentation en eau potable, ces eaux âgées ont-elles une date de péremption ?
Pas de péremption pour les nappes profondes de Gironde, c’est même tout l’inverse. C’est leur grand âge qui garantit leur excellente qualité. Ces eaux très anciennes se sont infiltrées il y a plusieurs milliers d’années et sont par conséquent naturellement exemptes de toute pollution d’origine d’humaine. En revanche, le contact prolongé entre l’eau et la roche peut entrainer la dissolution de certains minéraux. Les éléments naturellement présents dans la roche se retrouvent alors dans la nappe. C’est par exemple ce qui explique les teneurs en fluor localement élevées dans la nappe de l’Eocène.