Quelle est l’influence d’une structure anticlinale dans les modalités d’échange et de recharge d’un système aquifère multicouches ? Avec son étude sur le système aquifère du Cénomanien dans le sud de la Gironde, Cloé LABAT, Ingénieur chercheur ENSEGID au SMEGREG, apporte plusieurs éléments de réponse.
Identifiée comme une ressource potentielle pour l’alimentation en eau potable du futur, la nappe du Cénomanien fait l’objet d’études approfondies dans le sud Gironde depuis près de 15 ans. Accessible à quelques mètres sous le sol entre Cabanac et Villagrains au sud du département, cette nappe est à plus de 1 000 m de profondeur sous Bordeaux où elle est captée pour le chauffage par géothermie du quartier Mériadeck par exemple.
Sismique pétrolière, forages de reconnaissance et d’essai, carottages, analyse de laboratoire… différentes techniques d’investigation ont été déployées à différentes échelles pour une meilleure connaissance de la structure géologique et la compréhension du fonctionnement de cette nappe. Les progrès sont impressionnants.
A l’échelle régionale, l’impact des déformations géologiques locales est souvent négligé dans l’étude des aquifères multicouches de grande extension. Cependant, ces déformations peuvent influencer grandement le fonctionnement des nappes correspondantes. Les structures anticlinales en sont un bon exemple du fait des variations latérales de faciès et des variations d’épaisseurs des séries sédimentaires que leurs formations induisent. Elles ont donc un impact majeur sur la nature et la géométrie des formations sédimentaires.
Dans le cas qui nous intéresse, cette étude pluridisciplinaire a été mise en œuvre à l’échelle locale pour avoir une vision détaillée de l’architecture de ces objets géologiques et pouvoir quantifier leur influence sur le fonctionnement des systèmes aquifères. Le Bassin Aquitain renferme en effet un système aquifère multicouches de grande extension. Il est affecté par des déformations structurales à différentes échelles. Une succession d’évènements tectoniques a entrainé la formation des rides anticlinales structurant le bassin. L’anticlinal de Villagrains-Landiras en Gironde est l’une de ces rides. L’aquifère du Cénomanien, sub-affleurant à proximité de l’axe de cet anticlinal, est ciblé en tant que ressource alternative à l’Eocène pour l’alimentation en eau potable du département de la Gironde. Il est donc primordial, avant une éventuelle exploitation, de comprendre les connexions hydriques entre l’aquifère du Cénomanien, les aquifères sus-jacents et les eaux de surface. Les interactions entre les différents hydrosystèmes sont influencées par la nature et la géométrie des unités aquifères et des couches semi-perméables. Leurs variations d’épaisseur et de faciès, jusqu’à présent mal caractérisées à l’approche de l’axe de l’anticlinal, résultent d’une histoire géodynamique complexe.
12 carottages et 5 destructifs
Afin de mieux caractériser les niveaux réservoirs, les couches imperméables qui les séparent et leurs extensions, 17 sondages de reconnaissance géologique (12 carottés et 5 destructifs) ont été réalisés dans le cadre de ces travaux. Leur interprétation est complétée par des essais pétro-physiques en laboratoire, des mesures continues des niveaux piézométriques ainsi que des analyses géochimiques.
Cette pluridisciplinarité des méthodes employées permet une meilleure compréhension de la nature et la géométrie des séries tertiaires et du Crétacé supérieur. Un modèle géologique haute résolution de la zone d’étude, intégrant les nouvelles données et les données publiées auparavant, permet une visualisation de la structure et de l’amincissement des couches tertiaires à l’approche de l’axe de l’anticlinal. L’analyse des chroniques piézométriques et des données géochimiques a permis de comprendre les écoulements, les interactions qui existent entre les différents hydro systèmes ainsi que les phénomènes de recharge et de décharge. Ces travaux mettent en évidence le rôle des biseaux sédimentaires tertiaires, des structures faillées et des processus d’altération dans les modalités d’échanges entre les unités aquifères. Cette caractérisation détaillée des objets géologiques et des observations hydrogéologiques est essentielle avant de statuer quant à l’exploitabilité de l’aquifère du Cénomanien dans le sud de la Gironde.
Cloé Labat – Ingénieur chercheur ENSEGID au SMEGREG
C’est cette jeune ingénieure qui réalise actuellement l’étude géologique et hydrogéologique, dans le cadre de son doctorat encadré par l’ENSEGID. Ce sujet fait appel à des compétences pluridisciplinaires (géologie, hydrogéologie, environnement, …) ce qui lui confère une grande richesse scientifique. Il comporte également un travail de terrain avec plusieurs sondages de reconnaissance géologique et un réseau de surveillance des niveaux d’eau dans les différentes nappes et milieux superficiels. Soutenance à venir en septembre 2020.